mardi 5 juin 2007

La genèse de l'amour

Quand je rencontre de nouvelles personnes et que je dois - en moins de 5 mn - tenter de raconter ma vie, je n'omets jamais ces éléments :

  • Parisienne ferue d'histoire de la ville
  • Anglo-américanophile - avec une focalisation sur San Francisco
  • Enfance "pédagogiquement originale" et procès contre les parents à la clef
  • Amoureuse d'un homme merveilleux qui était déjà un enfant merveilleux quand je le gardais après l'école
Les 2 derniers points génèrent des réactions mitigées, sidérées, outragées, médusées...

La genèse de l'amour, la rencontre, répond aussi à des normes sociales très strictes et, là encore, je ne peux que vous recommander de les ignorer pour trouver et réinventer l'amour.

Les enfants, je pense à Matthieu et à Luna, nous ont posé des questions très pertinentes pour comprendre ce qui nous liait Jonathan et moi. Je vous fais un petit résumé de nos réponses.

Chronologie de notre histoire:

Sept. 1988 : Petite annonce déposée à la boulangerie du coin : "Babysitter sympa et dynamique garde votre enfant tous les soirs après l'école".
Une seule personne m'appellera, la mère de Jonathan. Première rencontre le lendemain, sur le palier. Première discussion avec un petit brun - bavard et souriant - qui me dit que c'est bientôt son anniversaire ! Je lui dis "mais moi aussi", on compare nos dates d'annif', le 10 et le 18 octobre, c'est si proche, on sait qu'on va être de super-potes, même si lui va avoir 6 ans et moi 16.
Pendant un an, je vais le chercher à l'école à 18h après l'étude. On a nos rituels à la sortie de l'école:
"Hé dis Bennett, hé, tu veux bien porter mon cartable?"
"Jonathan! On est à 20 m de la maison ! C'était bon la cantine à midi ?"
"Moi j'ai échangé mes betteraves pour une deuxième vache qui rit avec un copain...."
Voilà, un gosse sympa, une baby-sitter affectueuse. Mais pas un gramme d'amour en trop.

Pâques 1996 :

Coup de fil de Jonathan : il a 13 ans, il vit à Lyon et n'a pas de projet pour ses vacances. Je lui propose de monter sur Paris dans mon petit appart' à Montmartre pour la semaine.
Je n'ai pas de télé, pas d'ordi, pas de potes de son âge.... Et pourtant on a plein de bons souvenirs : spaghettis à la bolognaise, confidences amoureuses, visite d'un magasin de Warhammer, sculptures d'Arman sur les Champs-Elysées... Mais pas un gramme d'amour en trop.

Février 2003 :
Coup de fil de Jonathan : il a 20 ans, il a cherché mon numéro dans l'annuaire, il fait ses études à Paris. On reste la moitié de la nuit au téléphone infatigables dans le déballement de nos vies. Je suis en plein procès, jusque cou, très isolée - peu de gens autour de moi approuve et lui , au contraire, pige et s'enthousiasme.
Il me donne ses coordonnées, je lui promets de le rappeler quelques jours plus tard après le passage au palais de justice. Je perds son numéro, il n'est pas dans l'annuaire, j'envisage de placarder des affiches partout dans les rues pour lui dire que je le cherche. Et là, je comprends que la voix du téléphone me donne des ailes, un peu trop, beaucoup trop.
Je ne veux pas qu'on pige, j'abandonne l'idées des pancartes mais je lis toutes les pages de l'annuaire de la section "écoles d'informatique", je compte sur un déclic, et je l'ai! Je les appelle et je leur explique que je le cherche.... je raconte l'histoire, la babysitter, le chouette gosse qui est devenu grand.... Bingo, on me donne son numéro de téléphone. Je vais retrouver sa voix mais on ne s'est toujours pas revu.

Mars 2003 :
Je l'appelle, ses premiers mots sont : "Bennett? j'ai attendu ton coup de fil tu sais". Mes ailes touchent le plafond, on se donne RDV chez moi. Il sonne, je le regarde sur le palier, beau, si beau malgré des grosses dread irrégulières crasseuses et des piercings partout. Il est moins bavard et souriant que sur le premier palier où je l'ai rencontré et là je sais que je vais devoir la jouer très fine quand il me dit qu'il m'a recontacté car je suis un peu de sa famille et qu'il va me présenter sa copine.
Il a planté un gros tabou - pour la première fois de ma vie j'envisage un très long et lent travail de séduction - et un gros obstacle : sa copine que je trouve en effet très sympa.

Matthieu nous a demandé ce week-end :
"Pour séduire Bennett, pour l'épater, qu'est-ce que tu as fait Jonathan ?"
Et là, on lui a expliqué qu'en matière de séduction, parfois c'est les filles qui font tout. Il voulait des détails - qu'est-ce que j'avais exactement fait pour ça ? - Je lui ai répondu: des pâtes à la carbonara - parce qu'on était à table, que c'était ce que l'on mangeait et que c'était la vérité.
Donc pendant plus d'un an on construit notre amitié : longues soirées chaleureuses pleines de pâtes, de discussions interminables... et d'affection.

Et là, la question de Luna est aussi très pertinente :
"Comment vous avez fait pour passer de l'amitié à l'amour?"

Les pâtes c'est bon mais ça a des limites. Pour passer à l'amour, je m'étais tellement bien cachée que Jonathan, ni personne d'ailleurs, n'avait rien deviné (sauf le vieil homme avec qui j'étais en couple depuis des années qui - excédé de voir encore sa soirée annulée avec moi parce que je préfère la passer Jonathan - me provoque en disant "tu préférerais l'aimer lui que moi". Et moi ne voyant pas la provocation mais appréciant sa perspicacité je réponds : "oh oui, bien sûr, ce serait tellement merveilleux, c'est ce que je veux le plus au monde")
Donc, moi je me consume d'amour, je ne le dis à personne (sauf quand on me pose correctement la question, mais ya pas foule) et j'attends mon heure, incertaine du dénouement.

Mars 2004
La fin du procès approche, la veille du verdict je quitte le vieil homme qui souhaitait que je le perde.
Le verdict tombe : j'ai perdu et je pars faire la fête chez Jonathan qui est tout seul depuis quelques mois, ça le rend tout triste.
Le lendemain, libérée d'une relation de couple stérile avec le vieil homme, libérée de mon procès, libérée de mes parents et de tout ce qui m'écrase, j'appelle Jonathan qui dîne chez des amis pour lui proposer un massage. Il arrive tard.
Et là, je n'avais plus peur de rien du tout, même pas de le sidérer. Alors je l'ai sidéré.

Oui Matthieu, c'est bien moi qui ai fait les premiers pas.
Oui Luna, Jonathan est entré dans la danse parce que lui aussi en avait envie.

Morale de l'histoire:
Les normes de la rencontre amoureuse c'est fait pour les scénaristes des feuilletons de télé, c'est pas fait pour les vivre !

Je dédicace ce poste à Hadrien qui m'a beaucoup inspiré en me disant qu'il y a toujours trop d'étalage d'intimité dans les blogs.

2 commentaires:

Mr.Ju a dit…

Wow ! Quelle histoire ! Je ne me doutais pas le moins du monde que cela remontait si loin ! OO

Si seulement les scénaristes prenaient un peu exemple sur ces histoires de rencontres...on se ferait moins [@%$#] devant leurs séries...

Et je confirme à vivre c'est bien mieux ^^
Comme moi qui sort finalement avec...ma voisine de palier :P
Vous la raconterai c't'histoire ;)

Gros poutoux à tous les deux et au diable les aigris qui ne savent pas voir le bonheur à leur portée.

Bennett a dit…

Mais qui es-tu mystérieux amoureux de ta voisine?